Education prioritaire : La discontinuité pédagogique et sociale

Pendant le confinement, la situation peut devenir critique dans les quartiers d'éducation prioritaire. Les pouvoirs publics doivent être alertés !

 

Dans les quartiers populaires aussi, il faut que les enfants puissent sortir un peu chaque jour, en respectant les conditions sanitaires

« Vous sortez un peu avec les enfants ? » « On n’est sorti qu’une fois depuis le début du confinement »

Le 3 avril sur le groupe whatsapp d’une classe d’école primaire en REP +…

 

Si le confinement est difficile pour tout le monde, il l’est encore plus dans les zones urbaines sensibles. La promiscuité, le manque de matériel informatique, la faible maîtrise de la langue française pour certains font que bien des familles, bien des enfants sortent peu, voire pas du tout. Certains parents ne peuvent pas imprimer, ne savent pas bien écrire, sont parfois sortis sans autorisation et se sont fait verbaliser. A la peur d’être contaminé, s’ajoute la peur d’être verbalisé. Contrairement aux idées reçues, les habitants des quartiers populaires respectent globalement bien le confinement… et certains peut-être même trop ! Les enfants, d’autant plus qu’ils sont jeunes, ont besoin de pouvoir sortir un peu chaque jour, prendre l’air sinon les conséquences pour eux, pour leurs familles, peuvent être terribles. Il ne s’agit pas de contrevenir aux exigences sanitaires mais de prendre en compte le besoin des enfants.

L’inquiétude monte car beaucoup d’enseignants le constatent : les enfants ne sortent pas du tout. Des initiatives commencent à apparaître. Une réunion a eu lieu par exemple à Clermont-Ferrand entre les services de l’éducation nationale et la mairie afin de trouver des solutions rapides et efficaces à cette problématique. A l’initiative d’une école, un document indiquant les périmètres de sorties, rappelant de façon simple les précautions sanitaires et insistant sur l’importance pour les enfants de sortir un peu a été proposé. Il a été transmis aux services de l’éducation nationale. Nous souhaitons que sa diffusion soit actée au plus vite.

Au delà de ces initiatives, il est urgent que les services de l’état (éducation nationale, préfectures) soient alertés. Les policiers chargés de veiller au respect du confinement et des mesures sanitaires doivent faire preuve de compréhension et de pédagogie afin d’organiser intelligemment les sorties des familles et des enfants. Il en va de la santé psychique des habitants.

La continuité pédagogique en REP : une gageure.

Disons-le d’emblée : la continuité pédagogique à distance en éducation prioritaire avec les moyens actuels, c’est faisable quelques semaines tout au plus.

« Dans ma classe un tiers des 25 familles n’a que le téléphone portable comme outil numérique »

affirme un enseignant de primaire en REP+.

 

Envoyer du travail de révision par mail, créer un groupe whatsapp pour multiplier les échanges, utiliser des sites, plateformes en ligne, toutes ces idées ont fleuri et ont montré que la période pouvait être propice à la créativité pédagogique. On a pu assurer le lien, faire en sorte que le rythme de travail soit conservé au mieux mais au bout de 3 à 4 semaines, les limites sont atteintes. Certaines nouvelles initiatives sont à saluer. Le ministère a tout récemment sollicité les enseignants pour faire remonter les familles qui vont pouvoir bénéficier d’envois postaux. Une plateforme numérique va être mise en place, sur laquelle des documents pourront être déposés par les enseignants. La poste se chargera de l’impression et de la mise sous pli et de l’envoi. La mairie de Clermont-Ferrand, lors de la réunion évoquée plus haut, déclare réfléchir à la possibilité de fournir des tablettes numériques aux familles les plus en difficultés – Cela n’est pas encore acté, le budget n’est pas si simple à trouver en cette période « d’entre-deux tours ».

Cependant, ce ne sera pas suffisant. Il va falloir davantage se préoccuper des familles dans lesquelles l’aide à la scolarité est difficile. A l’heure où la réflexion se porte sur les modalité d’un déconfinement futur, il faudra, au-delà des évidentes priorités d’ordre sanitaire, considérer les besoins des enfants les plus éloignés des apprentissages. Quelques semaines éloignées de l’école peuvent être rattrapées aisément. Si cela se compte en mois, cela peut-être catastrophique pour certains. Selon nous, des stages de remise à niveau en présentiel devront donc être organisés dans les écoles, les collèges, les lycées, dès que les conditions sanitaires le permettront, pendant le temps scolaire ou pendant les vacances. Cela devra se faire en petit groupe, prioritairement pour les enfants les plus en difficultés, sur la base du volontariat, avec une rémunération des enseignants volontaires bien sûr. La remédiation à distance ne pourra suffire, on a déjà expliqué que les limites des cours à distance étaient atteintes.

Si l’urgence est sanitaire, il ne faut pas perdre de vue que, pour les élèves les plus vulnérables, les mois de scolarité perdus auront des conséquences terribles. Pendant cette période difficile pour tous, la solidarité et la lutte contre les inégalités scolaires et sociales ne doivent pas être oubliées !