Un rapport de la cour des comptes pointe une « mauvaise gestion » des enseignants et de leur temps de travail. Dans une période déjà marquée par le manque de reconnaissance du métier, la vieille marotte du temps de travail des professeurs est de retour dans les plus hautes sphères… Qu'en penser ?
Une revalorisation sans contreparties ?
Une profession revalorisée sans contrepartie selon la cour des comptes
Un rapport de la cour des comptes dénonce la « mauvaise gestion des enseignants ». En effet, le rapport met en avant, et à juste titre, qu’entre 2012 et 2017, 54 000 postes ont été créés dans l’éducation nationale, de nouvelles indemnités ont été versées, les rémunérations et les carrières ont été revalorisées, la masse salariale a augmenté de 7,5 %. La où le rapport se trompe c’est quand il explique tranquillement que tout cela a été fait « sans contreparties » demandées aux enseignants en matière d’organisation et de temps de travail.
Une contrepartie déjà fournie par les enseignants depuis longtemps
Depuis plusieurs années pourtant, le Sgen CFDT ne cesse de dire que les professeurs ont vu leur travail se diversifier. Aux temps de préparation, de documentation et aux corrections, s’ajoutent la rédaction des différents projets, la rencontre des familles mais aussi des partenaires, le travail en équipe dans le premier ou le second degré, la gestion de l’ENT ou encore les formations professionnelles… Toutes ces tâches doivent être inclus dans le temps de travail de tous les enseignants, de façon responsable et autonome.
Par ailleurs, signalons que les salaires des fonctionnaires étaient gelés depuis de nombreuses années et leur pouvoir d’achat en baisse. Les annonces du gouvernement semblent d’ailleurs remettre ce gel à l’ordre du jour. Demander des contreparties aux enseignants dans ces conditions semble alors étonnant !
L’enseignement de plusieurs disciplines dans le 2nd degré, déjà une réalité
Le rapport suggère également l’enseignement de plusieurs disciplines. Mais en réalité, cette bivalence existe de fait en histoire-géographie-EMC, en physique-chimie ou en français, souvent couplé avec le latin et le grec. Il ne parait par ailleurs pas forcément souhaitable d’obliger un professeur à enseigner une matière dont il ne serait pas vraiment spécialiste.
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Des constats partagés par le Sgen Cfdt Auvergne, des réponses différentes
La volonté d’une formation des enseignants renforcée
Le Sgen-CFDT partage donc les premiers constats de la Cour des comptes sur la formation des enseignants et des personnels d’éducation. Aussi, demande-t-il la poursuite de la réforme.
Il faut 8 ans de formation pour un médecin, 5 pour un ingénieur, quelques mois ne suffisent pas à devenir enseignant !
Pour une formation professionnelle en alternance intégrée et progressive, le Sgen-CFDT préconise :
– un continuum de formation, de la licence aux premières années de titularisation ;
– deux années consécutives de formation au sein d’un master « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF) qui respecte la réforme du cycle Licence-Master-Doctorat (LMD) ;
– une formation qui permette un regard réflexif sur les pratiques professionnelles ;
– une mise en responsabilité progressive des stagiaires ;
– une formation en alternance rémunérée pour financer les études et permettre la mixité sociale ;
– des concours en fin de M2 pour recruter des enseignants et des personnels d’éducation sur des épreuves professionnelles ;
– une titularisation rénovée, première étape du parcours de formation continuée.
Le Sgen-CFDT réitère donc son attachement au rôle des Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ÉSPÉ) dans l’universitarisation de la formation des enseignants bien que la formation de l’ESPE Clermont Auvergne reste imparfaite : Pour consulter notre enquête sur la formation des professeurs stagiaires, c’est par ici.
La place des concours de recrutement ne doit pas entraver la qualité de cette formation. Ainsi la proposition qui est faite par la Cour des comptes d’organiser les épreuves des concours sur deux ans en fin de L3 (épreuves d’admissibilité) et en M1 (épreuves d’admission) ne satisfait pas le Sgen-CFDT. Les concours de recrutement placés aujourd’hui en fin de M1 sont une anomalie dans le système universitaire français. C’est pourquoi le Sgen-CFDT a fait le choix de demander un repositionnement en fin de M2 pour à la fois garantir la cohérence du dispositif de formation, en particulier au sein des masters MEEF, et s’émanciper de la tutelle de l’employeur.
Il devient maintenant nécessaire de mener une réflexion plus globale sur les concours de recrutement, la nature des épreuves et le rôle des jurys de titularisation dans le dispositif actuel de formation.
L’annualisation du temps de travail, une piste de réflexion du Sgen Cfdt
Le précédent gouvernement a travaillé afin de réécrire les décrets de 1950 (enfin !) sur les missions des enseignants. Le métier reste défini par un nombre d’heures de cours à assurer par semaine : dix-huit heures pour un certifié, quinze heures pour un agrégé. Néanmoins, les professeurs savent bien que ce temps de travail n’est jamais le même, et certain ont des emplois du temps variables tout au long de l’année.
Les professeurs ont vu apparaître, parfois avec inquiétude, une sorte de rappel à l’ordre : un fonctionnaire doit à l’Etat 1 607h par an quand un enseignant du 2nd degré ne travaillerais que 600 ou 700 heures. Et oui… 36 semaines de cours multipliées par 18h pour un certifié ou 15 h pour un agrégé. Mais encore une fois, c’est sans compter les nombreuses autres tâches réalisées par les professeurs.
Comme en 2013, la Cour des comptes plaide pour que le temps de travail des enseignants soit défini en nombre d’heures à effectuer sur l’année mais selon quelles modalités ?
Un recrutement en REP toujours problématique
Le rapport de la cour des comptes constate que la tendance consistant à affecter les enseignants débutants sur les postes difficiles s’est « accentuée ». Comment lui donner tort…
Le chef de l’Etat s’est engagé à ce qu’aucun enseignant de moins de trois ans d’ancienneté ne soit affecté dans ces zones. Sur le terrain, ce n’est pas le cas… La prime de 3 000 euros en ZEP promise par Emmanuel Macron durant la campagne peut-elle permettre de surmonter cet obstacle ? Probablement pas … La Cour des comptes propose la mise en place de l’autonomie des chefs d’établissement dans le choix des personnels.
Quelle autonomie pour les établissements ?
Pour le gouvernement et la cour des comptes, cette autonomie est présentée comme une délégation des compétences de gestion des personnels du niveau national ou académique au niveau local. Si le Sgen milite pour l’autonomie des établissements, le mot ne recouvre pas exactement le même sens. Pour le Sgen-CFDT, l’autonomie des établissements scolaires doit reconnaître la légitimité et la capacité des acteurs locaux à mettre en œuvre les projets pédagogiques adaptés aux besoins des élèves. Il s’agit donc bien de l’autonomie des équipes. Cela doit être un levier qui permet un fonctionnement plus démocratique de l’EPLE.
Il revient au ministère de définir les objectifs de l’enseignement au niveau national mais pas de décrire les moyens de les atteindre. Ce sont aux professionnels dans les établissements d’élaborer les stratégies pédagogiques adaptées aux besoins locaux.
Les établissements scolaires, pour mener à bien des politiques éducatives adaptées aux besoins des élèves, ont besoin d’une autonomie en termes budgétaires et en termes de dotations horaires.
Pour en savoir plus sur l’autonomie des établissement, c’est par ici.