Déclaration liminaire au Comité Technique Ministériel (CTMEN) du 21 juin 2017

Intervention du Sgen-CFDT au comité technique ministériel : rythmes scolaires, dédoublement des CP, collège, devoirs faits, canicule, PPCR... Des enjeux majeurs pour les personnels et leurs conditions de travail.

Le comité technique ministériel de l’Éducation nationale est aujourd’hui réuni pour examiner un projet de décret relatif aux dérogations à l’organisation de la semaine scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires. Il en est prévu une application dès la rentrée 2017, c’est à-dire dans moins de 3 mois. Dans le même temps, d’autres mesures qui engagent fortement les personnels quant à leur mise en œuvre sont annoncées pour cette même rentrée. On met donc en forte tension l’ensemble du système éducatif et ses personnels. Pour le Sgen-CFDT, outre l’appréciation que nous portons sur le sens de ces mesures en matière de politique éducative, la précipitation dans l’élaboration et la mise en œuvre quasi immédiate des mesures ne peuvent que générer une forme de pression sur les personnels de toutes catégories et de tout niveau de responsabilité dans notre administration. Cela n’est pas acceptable et ne correspond aucunement à notre conception de la conduite du changement dans un service public de qualité et respectueux de ses personnels. Cela ne signifie pas que nous sommes opposés au changement mais bien que nous considérons qu’il doit être mené autrement.

Rythmes scolaires

Le projet de décret relatif aux dérogations à l’organisation de la semaine scolaire, le Sgen-CFDT a déjà eu l’occasion de le dire à Monsieur le ministre, notamment lors de la séance du CSE du 8 juin dernier, ne nous convient pas.

Il ne nous convient pas quant à la manière dont il a été élaboré, avec très peu de dialogue social.

Il ne nous convient pas quant aux dispositions qu’il prévoit et en ce que cela comporte de renonciation de l’État à structurer une politique enfance jeunesse ambitieuse, de qualité, qui intègre une réflexion sur les rythmes des enfants, qui intègre les apports de différentes recherches et de différents rapports d’évaluation sur les rythmes de l’enfant et sur les projets éducatifs de territoires. La CFDT et plusieurs de ses fédérations rappellent à quel point ce projet aura une incidence sur l’emploi même de plusieurs personnels qui, pour ne pas être des personnels de l’éducation nationale, seront impactés par les effets de ce décret. Alors qu’il faudrait aller plus loin en travaillant à la déprécarisation d’une partie des emplois d’animateurs et animatrices par exemple, on ouvre la voie au non renouvellement de leur contrat et on ferme la porte à la transformation en emplois pérennes et à temps plein, emplois pourtant non délocalisables.

Ce décret ne nous convient pas quant à ses modalités de mise en œuvre, d’ailleurs avant même sa publication, à lire les interviews de certains maires, à voir les retours de terrain dont nous disposons sur les modalités de consultation des conseils d’écoles et des maires dans certains départements, allant bien au-delà d’une logique de dérogation dont Monsieur le ministre n’a de cesse de dire qu’elle ne serait que marginale à la rentrée 2017.

Finalement, des personnels sont déjà sur la brèche pour travailler en urgence à la modification des rythmes scolaires, pour réorganiser leur temps de travail et de vie personnelle avec des incidences sur les modalités et les frais de garde de leurs enfants pour nombre d’entre eux. D’autres sont assaillis de questions par les familles quant au fonctionnement des écoles l’année prochaine. La préparation de rentrée et le travail sur les projets pédagogiques sont marginalisés par l’énergie accaparée par la réflexion sur les rythmes scolaires.

Pour la CFDT, la réflexion et le dialogue social sur les rythmes scolaires et les rythmes de l’enfant doivent reprendre sur d’autres bases, quelle que soit l’issue de ce décret après ce CTMEN.

Dédoublement des CP en REP+ et REP et incidence sur d’autres dispositifs

Mais il n’y a pas que cette mesure. Certes, pendant la campagne électorale, Emmanuel Macron avait annoncé le passage à 12 élèves par classe en CP dans les écoles REP et REP+, mais le financement de la mesure n’était pas détaillé. Passer par la suppression du dispositif « plus de maîtres que de classes » (PDMQDC) n’était pas annoncé. Depuis que cette modalité est sur la table, beaucoup de nos collègues portent un autre regard sur cette mesure. Beaucoup de nos collègues qui se sont investi·es dans la mise en œuvre du dispositif PDMQDC, celles et ceux qui ont fait acte de candidature pour être maître plus, qui ont changé d’affectation pour cela, qui ont investi avec dynamisme et intelligence collective dans le dispositif ont le sentiment d’avoir les jambes coupées. Leur travail est nié. Plusieurs savent déjà qu’ils perdent leur poste et changent d’affectation, d’autres sont dans l’incertitude. Ces opérations remettent en cause les opérations de mutation des personnels, dans l’urgence et souvent sans possibilité de convoquer les instances compétentes. Le Sgen-CFDT dénonce ce passage en force qui foule au pied des règles du dialogue social. Cette situation professionnelle est particulièrement désagréable à vivre et démotivante. Cela ne nourrit pas la confiance, qui ne cesse pourtant d’être convoquée dans les discours gouvernementaux. Par ailleurs, Monsieur le ministre nous a assuré à plusieurs reprises que les équipes qui le souhaiteraient pourrait conserver le dispositif PDMQDC. Mais désormais nous constatons que partout où les locaux permettent le dédoublement (et parfois même là où les locaux ne le permettent pas dans de bonnes conditions) les postes PDMQDC sont repris, quel que soit l’avis de l’équipe. Dans certaines communes on se dit qu’il ne faut pas construire trop de salles de classe si on veut conserver un dispositif apprécié, suivi de près par les coordonnateurs REP dans le cadre du référentiel pédagogique de l’éducation prioritaire. Et si l’on réduit à peau de chagrin le dispositif PDMQDC, quelle évaluation allons-nous pouvoir consolider ? Si même là où les équipes souhaitent le conserver, si même là où les rapports intermédiaires du comité de suivi montrent les effets bénéfiques du dispositif on arrête tout, qu’aurons-nous à évaluer ?

Par ailleurs, la ponction sur les PDMQDC ne suffit pas à financer la mesure aux apparences généreuses. Ce sont donc les postes qui étaient prévus pour améliorer les remplacements et permettre enfin aux professeur·es des écoles de pouvoir partir en formation continue dans de bonnes conditions qui vont être utilisés. Résultat, nos collègues ne pourront toujours pas bénéficier de la formation continue, alors même que c’est une des conditions d’amélioration du service public et de réussite des dispositifs (qu’il s’agisse du PDMQDC ou de la réduction des effectifs par classe). Si l’on ajoute que dans des académies qui ont beaucoup d’écoles REP et REP+, l’état des concours indique que l’on manquera de personnels, on organise de fait la pénurie d’enseignant·es en éducation prioritaire.

Collège

L’arrêté « assouplissant » la réforme du collège a été publié dimanche matin. Lui aussi écrit dans un délai record et avec peu de dialogue social sur son esprit et sa lettre. Il s’accompagne désormais d’un diaporama à destination des chefs d’établissement qui laisse entendre qu’il serait possible de faire de l’Accompagnement Personnalisé (AP) ou des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI), alors que la lettre finale du texte prévoit qu’il doit y avoir de l’AP et des EPI. Nous savons la différence de sens entre ces deux conjonctions de coordination. Nous savons l’impact des diaporamas institutionnels quant à la mise en œuvre effective des textes. Le Sgen-CFDT demande un correctif à ce sujet dans les plus brefs délais afin que les conseils pédagogiques et les conseils d’administration, ainsi que les équipes pédagogiques travaillent sereinement à la préparation de la rentrée scolaire prochaine.

Une fois de plus les ajustements et le nouveau cadre introduit si tard dans le mois de juin, alors que les affectations intra-académiques sont prononcées, va imposer un travail important de tous et toutes : professeur·es, chef·fes d’établissement, pour redéfinir les projets, redéfinir les besoins horaires des établissements par disciplines et partant les personnels des services déconcentrés pour affecter des enseignant·es dans les établissements. Nous l’avions déjà dit pour d’autres mesures par le passé, introduire précipitamment aussi tard dans le calendrier de telles mesure, c’est mettre sous tension l’ensemble de nos collègues.

Devoirs faits

Je ne reviens pas sur la critique sur le fond du dispositif « devoirs faits », comme sur le redoublement, que nous vous avons déjà présentée. L’annonce de la mise en œuvre de devoirs faits dès la rentrée appelle de nombreuses interrogations de notre part : quels personnels réaliseront cette mesure ? avec quelle rémunération ? sur quels financements ? comment sera pris en compte, en temps et en rémunération, le travail des personnels qui, pour ne pas assurer directement l’intervention « devoirs faits », y contribueront pour l’organiser ou pour que cela prenne réellement sens d’un point de vue pédagogique ? Sur ce sujet, nous l’avons déjà dit, il y a matière à dialogue social et nous demandons que les modalités et le calendrier de ce dialogue soit proposé aux organisations syndicales représentatives.

Canicule

La vague de forte chaleur entraîne des difficultés, d’exercice dans les établissements scolaires pour les personnels, et d’étude pour les élèves. La diffusion des consignes du plan canicule, pour indispensable qu’elle soit, place les personnels dans une situation paradoxale : il n’est pas toujours possible de les mettre en œuvre. Tous les établissements ne disposent pas loin s’en faut des installations permettant de fermer les volets et de ventiler les classes. De tels épisodes climatiques sont appelés à se reproduire. Il convient d’envisager avec toutes les parties prenantes, d’une part les voies et moyens d’équiper de manière pertinente et adaptée les établissements, et aussi d’envisager comme en Allemagne la suspension du service quand ses conditions de réalisation ne sont tenables ni pour les usagers ni pour les professionnels, et donc de structurer les modalités de prise de décision en articulant les différents niveaux de responsabilité institutionnelle.

Textes en attente de publication et mise en œuvre PPCR – évaluation

L’état du suivi des textes montre que des textes importants pour les personnels sont toujours en cours d’examen. Nous vous avions interrogé à ce propos, pouvez-vous nous donner des éléments d’information sur les échéances de publication de ces textes : il s’agit notamment des décrets portant la transposition de PPCR aux médecins de l’éducation nationale, mais aussi un important volet indemnitaire concernant plusieurs catégories de personnels. Nos échanges avec la Direction Générale des Ressources Humaines (DGRH) et avec vous, mais aussi avec le ministre de l’action et des comptes publics sur la mise en œuvre de PPCR. Nous attendons donc aussi la poursuite des discussions sur la mise en œuvre complète de PPCR, de l’évolution de l’évaluation des personnels enseignants et de l’effectivité de l’accompagnement professionnel. Cela doit s’articuler, comme nous avons eu l’occasion de vous le dire, monsieur le Ministre, à la formation continue. Nous souhaitons donc démarrer le travail sur ces sujets.

De même que nous souhaitons que le dialogue social sur la feuille de route et l’agenda social puisse démarrer sur d’autres principes que ceux qui ont prévalu pour les mesures de rentrée, car nous ne confondons pas concertation et négociation.