AESH : Cécile Viéville nous parle de son quotidien

Si important⋅es pour l'inclusion des élèves porteurs de handicap, les AESH sont aujourd'hui géré⋅es par le Pôle Inclusif d'Accompagnement Local (PIAL). Cécile Viéville a accepté de nous en parler mais aussi de revenir sur son quotidien : ses difficultés, l'institution, ses réussites, son travail.

AESH depuis 12 ans Cécile Viéville exerce son métier aujourd’hui au Lycée Professionnel Jean Baptiste Clément de Sedan.
Elle participe ainsi à l’inclusion de trois élèves aux problématiques différentes : autisme pour l’un, difficulté dys ( dyslexie, dyscalculie, dyspraxie…) pour le second et troubles du comportement pour le dernier.
Trois élèves, trois classes différentes, trois formations différentes (CAP mécanique, Bac mécanique et 3ème préparation professionnelle).
Elle a accepté de nous parler de son métier.

Tu es AESH en Lycée professionnel, est-ce un choix de ta part ?

C’est effectivement un choix car je préfère travailler avec des adolescents ou des pré-adolescents. Je me sens en effet plus à l’aise avec cette tranche d’âge.
Avec eux, on n’aborde pas les mêmes choses qu’avec un enfant de primaire, les problématiques sont différentes. Les grands ne sont pas toujours faciles à gérer car parfois en crise avec les adultes, mais je ne me voyais pas travailler avec des plus jeunes.
C’est un âge où l’adulte doit être patient, ne pas apporter de jugement et doit gagner la confiance du jeune.

Que fais-tu avec les élèves que tu suis ?

Mon travail consiste avant tout à être aux côtés des élèves pendant les cours pour leur faciliter la tâche.
Pour cela, je fais souvent de la relecture de consignes un élément essentiel pour bien comprendre ce qui est demandé. Régulièrement, comme le jeune ne la comprend pas toujours, je dois proposer une explication différente en la reformulant. Je prends aussi les notes du cours. Mais le gros de mon travail est d’amener le jeune à rester concentré sur ce qu’on lui demande et rester une fois de plus très patiente et être à son écoute. Il faut pour cela réussir à canaliser son attention sur le travail demandé, pas toujours très simple.

Quel est ton temps de travail ?

Aujourd’hui, je travaille à temps partiel, non pas par choix mais par obligation.
En effet la Direction académique ne veut pas malgré mes demandes m’accorder un plein temps, ce que j’avais par le passé. Pourquoi ? Je ne le sais pas !
Je fais donc 27 h 30 devant élèves ce qui ne correspond d’ailleurs pas au cumul des notifications des élèves. Il leur manque donc des heures et ce sont donc eux qui subissent les conséquences de ces choix comptables de l’administration.

Comment s’organise ton temps de présence dans l’établissement ?

C’est très variable ; je peux ainsi passer une matinée complète avec un élève ou basculer d’une heure à l’autre d’un élève à une autre, d’une discipline à une autre.
Il faut donc pouvoir s’adapter très rapidement. On change de salle continuellement et pour certains enseignants, je suis « un élève en plus ».
Personnellement, cela ne me gêne pas même si je souhaiterais être toujours informée notamment pour être prévenue quand un enseignant ou un de mes élèves est absent.
Quand on oublie de me signaler l’absence d’un de mes élèves, cela complique le quotidien et peut déstabiliser l’élève avec lequel je vais finalement aller car il n’avait pas anticipé ma présence.  Cela peut donc un peu l’insécuriser d’où la nécessité de créer de la confiance et du dialogue avec eux.

Comment expliques-tu cela ?

C’est plus un oubli de la part de l’administration du lycée. On pense à nous pour certaines choses surtout quand on a besoin de nous et on nous oublie pour d’autres.
Par exemple, on n’est pas systématiquement prévenu⋅es quand des intervenants viennent dans la classe pour un projet quelconque : sensibilisation à l’utilisation de la drogue, aux réseaux sociaux… Dans les sorties scolaires, on n’est pas toujours la bienvenue. On aimerait aussi nous demander d’ encadrer un groupe d’élèves alors que cela ne fait pas partie de nos missions puisque notre travail est de permettre l’inclusion d’un élève et non d’encadrer un groupe.

Quel intérêt à t’exclure de ces sorties ?

C’est lorsque la sortie exige que l’élève soit là, quand on nous le demande, que je peux être présente.
Personnellement je considère que je devrais être là systématiquement car cela peut être un levier pour les apprentissages.
Si l’élève va au cinéma, le film sera ensuite exploité en classe. Si je ne  vois pas ce film, je ne pourrai pas soutenir les apprentissages de l’élève.
Le seul motif qui est évoqué pour ma non -présence est que ma place n’est pas prévue dans le budget de la sortie, un motif qui est revenu plusieurs fois.
C’est dommage car cela nous empêche de voir l’élève évoluer en dehors de sa classe, de son environnement scolaire et cela donne l’impression que l’on nous utilise quand l’établissement a besoin.
Cela pourrait pourtant nous servir au quotidien notamment dans le suivi de l’élève.

Comment travailles-tu avec les professeurs ?

Je dispose parfois de temps de concertation avec eux. Les situations sont très variables d’un professeur à l’autre et je dois m’adapter.
Il m’arrive de découvrir le cours en même temps que le jeune.  D’autres fois, l’enseignant m’envoie un mail en amont.  Quelquefois, je prends un petit moment à la fin du cours pour débriefer.

 AESH, c’est être capable de s’adapter en permanence.

Que dirais tu de ton intégration alors au sein de ton établissement ?

Je suis plutôt bien intégrée dans le lycée et je pense y avoir fait ma place. Je suis très bien accueillie en salle des professeurs ce qui n’a pas été toujours le cas sur d’autres établissements.
On me fait plutôt confiance et depuis deux ans, j’ai mis en place deux projets avec le chef d’établissement : la collecte de stylos et de lunettes usagées.
C’est du bénévolat total et je suis à l’initiative de ces deux projets.
Les élèves qui y participent sont plutôt motivés et cela me permet de les voir différemment. Personnellement, cela me permet aussi de sortir du handicap.
Je prends mes repas à la cantine et en fin d’année, je mange avec les jeunes, un beau moment de partage.
Les relations avec l’équipe de direction sont bonnes et quand j’ai besoin,  l’équipe est à mon écoute.

Comment se prépare ton arrivée avec l’élève porteur de handicap ?

Normalement, on devrait rencontrer l’élève et sa famille avant son arrivée .
C’était la procédure dans mon établissement précédent mais pas cette année.
Cette rencontre me parait pourtant essentielle car elle me permettrait de mieux comprendre l’élève même s’il y a nécessité de respecter un secret professionnel.
Rencontrer la famille permet aussi de connaître l’environnement de l’enfant et de ne pas faire d’impairs notamment quand les parents sont séparés.
Finalement, comme cette réunion n’a pas lieu, on apprend sur le tas et on fait comme on peut.
Pour obtenir des informations, je peux aller voir l’infirmière scolaire.

Et les équipes de suivi de scolarité ?

J’y participe mais cette année, elles ont eu lieu en septembre. Un retard dû à la crise sanitaire. De septembre à Décembre, j’étais à Jean -Baptiste Clément site de Vivier-Au-Court puis en Janvier j’ai été nommée sur le site de  Jean-Baptiste Clément site de  Sedan, je n’ai donc pas eu toutes les informations nécessaires qui ont été transmises en début d’année scolaire.
D’autre part, cette année, la rentrée des élèves a été chaotique car les notifications de prises en charge des élèves sont arrivées en retard.
Heureusement, je peux échanger avec les profs et ainsi compenser ce manque d’ informations.

Est-il facile pour une AESH de travailler avec un adolescent ?

Pas facile pour un adolescent à la fois d’accepter son handicap mais aussi d’avoir une adulTravailler comme AESH avec des adolescents demande une adaptation permanente. te à côté de lui. Certains même n’en veulent plus.
Ils perçoivent cela comme une punition et cela peut engendrer des conflits. Dans ce cas la présence de l’AESH n’est plus bénéfique pour son parcours scolaire.
Au contraire, d’autres élèves ne veulent pas nous lâcher. On se doit donc de personnaliser la prise en charge et faire en fonction du handicap du jeune.
Ainsi pour un enfant autiste, il faut avant toute chose qu’il accepte l’adulte à côté de lui. Pour le jeune que j’ai en charge et que j’aide actuellement, il m’a fallu deux mois.
Quand je sens qu’un enfant n’a plus besoin de ma présence ou que la relation ne sert à rien, je le signale.

Tu dépends d’un PIAL. Qu’est-ce que cela a changé pour toi ?

Rien ou presque. C’est pour moi un outil technique pour mettre une AESH face à un enfant.
Je ne connais pas l’AESH référent PIAL et j’ai su en octobre de quel PIAL je dépendais, car je devais signer un avenant de contrat dans lequel figurait le nom du PIAL.
Les AESH ne savent pas grand-chose du PIAL. Un appel pour candidater à un poste de référent PIAL est paru mais il fallait en plus d’être référent PIAL assurer des temps auprès des élèves.
Je ne vois pas personnellement comment on peut faire les deux. Animer des réunions AESH, accueillir les nouvelles personnes, savoir si tout va bien, c’est pour moi un poste à part entière. D’autre part, on manque d’AESH pour les élèves alors pour moi, la priorité doit être donnée auprès des enfants, des jeunes.
Le PIAL parfois nous impose des choses sans nous demander notre avis.

Le PIAL permet pourtant une gestion plus fine de l’affectation des AESH non ?

Oui c’est vrai sur le papier. Mais comme le personnel AESH n’est pas assez nombreux, le PIAL  permet surtout d’affecter les personnels sur des prises en charge horaires qui ne sont pas en conformité avec les notifications MDPH des élèves.
D’autre part, comme il n’y a pas d’équipes mobiles d’AESH pour notamment assurer les remplacements en cas de maladie, le PIAL peut décider de modifier l’affectation d’une AESH du jour au lendemain par nécessité de service. Pour remplacer, soit on pioche dans un autre établissement, soit, on diminue les heures de notifications d’un élève.
Franchement, je me pose la question de l’utilité du PIAL aujourd’hui tel qu’il fonctionne.
Pour ma part, je travaille dans un lycée professionnel et le PIAL est implanté sur un collège mais au bout de la chaîne, c’est en fait une directrice maternelle qui en est le pilote… C’est incompréhensible !

Si tu avais des choses à revendiquer pour les AESH, que dirais tu ?

Le CDI  ne change rien car on n’est pas rattaché à un établissement. Il faudrait à mon avis une reconnaissance salariale et la titularisation sur un établissement.
La nouvelle grille est bien pour les nouvelles AESH mais moins intéressante pour ceux et celles qui ont de l’ancienneté.
Il faudrait des formations diplômantes pour se former au handicap et se remettre à niveau scolairement. En effet, pour soutenir un élève, on a besoin de connaître le programme. De mon côté je prends des cours personnellement pour me remettre à niveau et ainsi pouvoir aider les jeunes. L’autoformation n’est absolument pas prise en compte par l’institution.

On aurait aussi besoin d’être équipé d’un ordinateur car c’est pour nous un outil de travail indispensable. De nombreux collèges et lycées ont équipé les élèves de l’outil informatique (lycée 4.0)  les manuels scolaires des élèves sont numériques et ne disposant pas de l’outil, on ne peut pas préparer correctement le cours ni aider les jeunes.
D’autre part, si un élève est absent, on ne peut pas lui prendre les notes. Enfin, on n’a pas droit à la prime d’équipement qui vient d’être créée.

Et en matière de formation ?

Il faudrait aussi avoir des formations corresponsant à nos demandes.
Elles sont aujourd’hui très ciblées sur l’élémentaire et la maternelle donc elles n’ont pas d’intérêt pour moi en lycée.
Il existe des formations très intéressantes dispensées par des organismes privés mais comme elles sont payantes, on ne peut jamais en bénéficier gratuitement.

Ainsi, on ne peut se former sur l’autisme et c’est pour moi un problème.

Pour finir sur du positif, que dirais tu de tes réussites en tant qu’AESH ?

La plus belle des réussites pour moi est quand un élève a son examen ou qu’il arrive à suivre seul un cours. C’est la plus belle reconnaissance de mon apport.
On se doit de permettre à un élève de devenir autonome aussi quand un élève n’a plus besoin de ma présence, je le dis car cela lui rend service pour la suite.