Lettre ouverte à M. le Recteur

Dès l’annonce de Monsieur le Président de la République, l’ensemble du personnel de votre académie s’est pleinement mobilisé pour permettre un suivi pédagogique à tous les élèves pendant la période de confinement.

Cette nouvelle mission, n’a fait l’objet d’aucun protocole préalable, car inédite. Pour autant, les enseignants ont su faire preuve d’ingéniosité. Ils ont su trouver les moyens pour tenter de rester en contact avec leurs élèves. Ils ont modifié leurs méthodes de travail. Cette dimension psychologique doit être prise en compte.

Au cours de cette période, des collègues peuvent être touchés par le virus ou bien avoir d’autres problèmes de santé. En étant eux-mêmes malades, ils ne pourraient pas faire face à leur obligation de suivi pédagogique.

Le personnel de l’éducation nationale et des établissements sont soumis comme l’ensemble de la population à un stress qui peut ne pas être ressenti de la même façon par tous.

Les enseignants du supérieur et du second degré ont pu, dans la majorité, utiliser les outils de communication à distance déjà présents dans leur établissement.

Les collègues du premier degré, quant à eux, ont utilisé soit l’outil mis à leur disposition « ma classe à la maison » ou des moyens de substitution : sites d’écoles, adresses mél créées dans l’urgence …  Ces dernières si elles ne respectent pas les règles de la RGPD sont provisoires et cesseront d’être utilisées dès la période de confinement terminée.

Pour ce faire, tous utilisent le plus souvent leur équipement personnel (ordinateur, connexion) et mobilisent leurs compétences. Nous attirons votre attention sur le fait que certains enseignants se retrouvent en difficulté, à cause d’un manque de formation, d’un débit de connexion insuffisant ou de défaut d’équipement… Il vous conviendra donc de bien tenir compte de ces éléments au moment de faire le bilan de cette crise.

Nous sommes très soucieux du suivi pédagogique mais celui-ci, même le plus efficient possible ne peut remplacer les interactions de la classe. Il serait donc utopique de croire que les apprentissages scolaires se poursuivent pleinement, notamment avec les plus jeunes de nos élèves. Nombre de parents, avec plusieurs enfants parfois en bas âge, doivent parfois aussi assurer leur propre travail à distance. Les journées sont alors très chargées et le travail des enfants peut devenir une source de conflits familiaux qui ne sont pas les mieux venus. Par exemple, certains collègues de maternelle nous informent que des jeunes enfants refusent le travail à la maison en disant qu’ils veulent travailler avec leur enseignant.

Ces éléments sont à prendre en compte à moins d’accroitre les inégalités entre les familles, c’est pourquoi les collègues adaptent la quantité de travail demandé en tenant compte de la situation de confinement de leurs élèves.

Dans votre courrier du 18 mars, vous demandez aux directrices et directeurs des écoles, de bien vouloir entretenir une relation pédagogique renforcée et individualisée avec les familles. Malgré les efforts et les différentes organisations prévues par les équipes, il est parfois impossible de contacter les familles régulièrement. Encore une fois les directrices et directeurs font au mieux mais il ne peut être garanti que ce lien se réalise pour toutes les familles même de façon hebdomadaire.

L’organisation des point relais pose de nombreux problèmes.

Vous leur demandez aussi de développer des points relais, notamment pour les familles les plus fragiles. De très nombreux collègues ayant anticipé cette problématique des familles ne disposant pas d’outils informatiques, nous ont fait part de leur questionnement. Dans les communes ne disposant que d’une ou deux écoles, est-il envisageable que ce point relais passe par l’intermédiaire des mairies ? La majorité des collègues n’habitent pas sur leur commune d’exercice et un retour dans leur école peut entrainer des déplacements parfois longs qui semblent être en contradiction avec les règles actuelles de confinement. Certains aussi gardent seuls leurs propres enfants…

Vous conviendrez donc que cette organisation de points relais ne peut être uniquement qu’incitée et non imposée.

Lorsqu’ils seront mis en place, le motif complémentaire (8° Déplacements aux seules fins de participer à des missions d’intérêt général sur demande de l’autorité administrative et dans les conditions qu’elle précise.) paru au Journal Officiel du 19 mars sera-t-il suffisant garantir aux enseignants et aux parents l’autorisation de se déplacer ?

Enfin concernant ces points relais, plusieurs collègues nous signalent que des familles refusent de se déplacer ce qui peut tout à fait se comprendre dans ce contexte.

Conscients à la fois de la nécessité de ne pas rompre les liens entre l’Ecole et les familles mais confronté à la réalité du moment, nous sollicitons votre bienveillance pour la mise en place de vos directives.

Il nous paraitrait inacceptable que des collègues puissent être sanctionnés (financièrement ou de tout autre façon) pour défaut de continuité pédagogique.

En ces moments difficiles, nous souhaitons aussi saluer l’ensemble des personnels mobilisés dans cet épisode : personnel du rectorat, des DSDEN, des circonscriptions, des établissements…, les enseignants et leur souhaiter d’être le moins possible impactés par les événements actuels. Leur santé et celle de leurs proches est la priorité.