OSER LE CHANGEMENT POUR NE PAS LE SUBIR

Avant-hier vendredi 3 avril, le ministre Blanquer a annoncé les conditions de passage des examens 2020, avec une part prépondérante donnée au contrôle continu. C’est un changement pour le brevet et le bac professionnel, c’est un bouleversement pour les bacs généraux et technologiques.

EXAMENS 2020 : LA NECESSITE DU CONTROLE CONTINU

Le SGEN-CFDT plaide depuis longtemps en faveur du contrôle continu, y compris pour le bac général. Pour autant, dans les circonstances dramatiques de la session 2020, il est hors de propos de voir une victoire de nos arguments : si le contrôle continu s’impose de façon aussi spectaculaire, c’est à l’évidence parce que les mesures sanitaires rendent impossible la tenue des épreuves terminales. Et ce contrôle continu imposé par les circonstances présente de nombreux risques d’injustices.  Certes, le principe a été affirmé de valoriser des élèves en fonction de leurs parcours et de leur motivation.  Cependant le fonctionnement des commissions d’harmonisation conserve de nombreuses zones d’ombre. Le système bouge mais dans l’urgence et sous la contrainte d’une crise exceptionnelle.

Le contrôle continu que nous souhaitons est différent : il doit être réfléchi et organisé en amont.

QUE NOTE-T-ON ? ET COMMENT ?

La question de la note est délicate, en particulier dans la culture professionnelle des enseignants du second degré. Considérée comme partie intégrante de la liberté pédagogique, la notation est pratiquée de façon différente par chaque enseignant, y compris au sein d’une même équipe disciplinaire. Et d’un lycée à un autre, on constate le maintien de cultures spécifiques de notation dans la longue durée. Quid de l’harmonisation avec l’enseignement privé ? Certains établissements pratiquent des notations élevées pour rassurer les parents et assurer les dossiers d’orientation. Ce n’est pas faire injure aux collègues : ces pratiques de notation participent à donner aux élèves une meilleure confiance en eux et à alimenter des mécanismes vertueux de motivation et d’investissement.

A l’inverse, on voit trop souvent les notes utilisées pour trier les élèves davantage que pour certifier leur niveau. Réunis en conseil de classe, les professeurs auront tendance à suspecter de laxisme le collègue avec une notation haute tandis que le collègue avec une notation basse sera jugé exigeant. En somme, pour que certains élèves aient de vraies bonnes notes, il faudrait que d’autres en obtiennent de mauvaises.  Cette constante macabre génère de la démotivation, de la perte de confiance en soi, et l’enfermement d’élèves dans des attitudes d’auto-élimination.

Selon nous, le rôle des inspections pédagogiques doit être centré sur l’objectif d’harmonisation des notations, non pas a posteriori comme pour le bac 2020, mais de façon préalable. L’objectif doit être de tendre vers l’égalité de traitement des candidats en terme de notation, d’un établissement à un autre, mais aussi d’un professeur à un autre au sein du même établissement.

 S’ILS NE VEULENT PAS TRAVAILLER, TANT PIS POUR EUX.

Au mot près, voici ce qu’une enseignante a écrit sur l’ENT de l’un de nos collègues.

Sous un abord de vérité première, cette phrase résume brutalement la culture du mérite et de l’effort individuel. Ce « quand on veut on peut » a pourtant un coût social exorbitant. Trop souvent un élève en échec scolaire dans l’enseignement général subit son orientation vers l’enseignement professionnel ou la formation par apprentissage. Trop souvent  le traitement de la difficulté scolaire est externalisé. Il suffit d’ouvrir les yeux : les agences de soutien à domicile, cours particuliers et coaching scolaire se signalent à chaque coin de rue aux parents qui en ont les moyens. Avec la Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire, l’Education Nationale a reconnu que les élèves décrocheurs relèvent de sa mission. Mais l’institution peine encore à en tirer toutes les conséquences.

Or, chacun le constate, la période de fermeture des établissements et d’enseignement à distance décuple les inégalités sociales. Les publics les plus fragiles scolairement se connectent peu, faute d’équipement et de soutien familial.

Le SGEN-CFDT rend hommage aux collègues, qu’ils soient CPE, personnels de direction et bien sûr enseignants qui dépensent leurs efforts pour maintenir le fil avec ces familles les plus éloignées de l’Ecole. Ces combattants de l’ombre préparent au mieux le retour dans les classes.

COMMENT UN RACCROCHAGE SERA-T-IL POSSIBLE ?

Après des semaines d’enseignement à distance pour les uns et de déscolarisation de fait pour les autres, les écarts de niveau risquent de devenir des fossés béants. Certains élèves risquent de sortir des apprentissages pendant plusieurs mois.

Le ministre a lancé cette semaine un appel à des professeurs volontaires pour faire de l’accompagnement scolaire pendant la seconde semaine des vacances de printemps. Rémunéré en heures supplémentaires, ce dispositif est destiné à éviter le décrochage des élèves les plus fragiles. Le SGEN-CFDT Auvergne approuve le principe d’un dispositif d’accompagnement, mais celui-ci nous semble prématuré : les élèves, parents d’élèves et personnels ont besoin de se reposer après plusieurs semaines de suractivité numérique. On touche aux limites de ce qui peut être proposé à distance dans le cadre de l’impératif sanitaire de confinement.

DES IDEES NEUVES POUR RELEVER DES DEFIS NOUVEAUX

A la réouverture des établissements, les élèves sortis durablement des dynamiques d’apprentissage devront pouvoir bénéficier d’emplois du temps renforcés et individualisés. Cette mission relèvera de la responsabilité de l’Education nationale, mais les collectivités locales et les associations d’Education populaire auront également un rôle à jouer. Le SGEN-CFDT Auvergne revendique la dotation ou le prêt en ordinateur portable des familles dont les besoins auront été identifiés par les équipes éducatives.

Les vacances de l’été 2020 devront être évidemment un moment de repos, et l’occasion de se retrouver en famille ou entre amis, de profiter, de sortir de chez soi. Cependant, si on veut qu’aucun élève ne soit pénalisé par la situation exceptionnelle que nous vivons pour son parcours de formation, il faudra que l’Education nationale soit capable de proposer aux élèves repérés les plus fragiles des stages de remédiation assurés par des enseignants volontaires et rémunérés. L’objectif ne sera pas de terminer des programmes mais bien de replacer ces élèves dans des dynamiques d’apprentissage et de réussir leur rentrée de septembre.