Audition « voie professionnelle » à l’assemblée : une réforme bâclée, des sujets importants !

Le 05 mai 2025, la CFDT éducation formation recherches publiques a été interrogée avec les autres organisations syndicales à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une mission Flash sur les impacts des réformes successives sur le baccalauréat professionnel.

Lors de cette audition sur la voie professionnelle, la CFDT éducation formation recherches publiques est revenue sur ce qu’elle porte depuis plusieurs années. Elle y a évoqué les réformes de 2009, de 2018 et celle de 2023.

Les éléments de contexte de l’audience sur la voie professionnelle

L’année 2025 marque les quarante ans de la création du baccalauréat professionnel. Les lycées professionnels accueillent désormais un lycéen sur trois. Pourtant, la voie professionnelle souffre d’un manque de considération qui touche aussi, par ricochet, les élèves et les personnels des établissements concernés.

Depuis 2009, les réformes du baccalauréat professionnel se sont succédées :

  • Diminution de la durée du cursus de quatre à trois ans avec suppression du brevet d’études professionnelles (BEP)
  • Réduction du nombre d’heures hebdomadaires
  • Réorganisation de la seconde professionnelle puis de l’année de terminale
  • Modification de la gouvernance de la filière, désormais partagée entre le ministère de l’éducation nationale et celui du travail
  • Refonte de la maquette des formations

Ces mesures, dont l’intention affichée est toujours de faire de la voie professionnelle une filière d’excellence, se sont empilées sans jamais être évaluées.

L’objectif de la mission flash est donc de donner un aperçu des conséquences de ces réformes successives : il s’agit de comprendre et d’évaluer les modifications majeures qu’elles ont apportées à la voie professionnelle, aussi bien pour les élèves que pour les personnels.

Lors de cette audience sur la voie professionnelle, la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques a pu évoquer différents sujets. Ci-dessous, retrouvez en quelques uns.

L’absence de concertation

Les différentes réformes ont fait l’objet ou pas de concertations sérieuses. Mais elles n’ont été que rarement évaluées. Pour rappel le passage au Bac pro 3 ans en 2009  a été le sujet de nombreuses concertations et a vu la mise en place d’un groupe de suivi national et académiques permettant des inflexions.

Par contre, la TVP (transformation de la voie professionnelle, 2019) a été largement imposée et mise en place de manière très injonctive. Cela a, de fait, provoqué de nombreuses oppositions justifiées ou non. Pour la CFDT, elle portait des promesses pédagogiques intéressantes comme la co-intervention et même le chef d’œuvre. Des promesses pour autant rarement tenues ! De plus, le groupe de travail national de suivi  s’est révélé affligeant !

La dernière réforme a quant à elle, un goût amer. Des groupes de travail intensifs et riches de propositions ont été organisés par la ministre déléguée, Carole Grandjean. Ces groupes ont produit des propositions consensuelles. Mais le pouvoir présidentiel n’a retenue qu’une partie de celles-ci, et de manière dégradée.

La CFDT demandait un moratoire de cette dernière réforme. Nous ne contestons pas certains principes fondamentaux comme l’alternance et l’idée de parcours.

Mais la mise en œuvre précipitée de cette réforme déstabilise totalement les équipes pédagogiques. Elle risque d’être contre productive pour la formation des élèves !

Une réforme bâclée qui néglige des sujets importants

L’orientation des élèves

L’orientation des élèves vers la voie professionnelle se fait encore massivement par l’échec. Le travail de reconquête de l’estime de soi des élèves par les enseignants de la voie professionnelle est totalement sous estimé.

Les Responsables du Bureau Des Entreprises (R.B.D.E.)

La CFDT a réaffirmé, contrairement aux autres organisations syndicales, que les responsables du bureau des entreprises apportent un plus pour la mise en œuvre de l’alternance. Ceci, à conditions que leurs missions soient respectées. Nous déplorons pour autant l’absence de cadre de gestion et de sécurisation du parcours de nos collègues.

Les horaires disciplinaires

Nous constatons comme tout le monde les pertes horaires pour différentes disciplines. Mais l’attribution des heures complémentaires permettent de nombreux dédoublements. Ceux-ci permettent de travailler dans de meilleures conditions. Encore faut-il que ces heures complémentaires correspondent aux besoins.

La pédagogie de l’alternance

La mise en place précipitée et chaotique du « Y » ne s’accompagne pas non plus d’une véritable réflexion sur la pédagogie de l’alternance, seule à même d’améliorer la qualité des formations. Contrairement aux autres organisations syndicales, nous ne demandons pas moins de PFMP. Nous préférons des PFMP de qualité accompagnées d’une action sérieuse contre les discriminations, violences et absences d’objectifs de formation.

Des réformes centrées sur le Bac Pro mais qui oublient les CAP

La CFDT a souligné que la question des CAP est malheureusement oubliée et a entravé les réformes  du bac pro : pour rappel le passage au bac pro 3 ans devait s’accompagner de la création de « cap miroir ».
La TVP devait permettre la mise en place de CAP en fonction des besoins des élèves (cap 1, 2 ou 3 ans)  avec des passerelles vers le bac pro. En réalité nous n’avons globalement que des CAP d’inclusion qui de plus ne remplissent pas leurs fonctions.

Le financement de la voie professionnelle

Un autre motif de complexité concerne la très mauvaise articulation des responsabilités politiques et financières entre les Régions et l’État. Le financement des plateaux techniques, le conflit entre l’apprentissage privé et public, l’organisation des internats pour accueillir les élèves, … sont autant de sujets qui complexifient l’organisation de la voie professionnelle en France.

Le projet CFDT pour la voie professionnelle

Pour notre organisation syndicale, il est urgent de redonner du sens au travail de celles et ceux qui exercent en lycée professionnel. Les questions essentielles tournent autour de deux objectifs qui peuvent s’opposer s’ils ne sont pas intelligemment pensés :

  • La formation professionnelle voulu par Emmanuel MACRON
  • Notre objectif et ambition pour l’éducation nationale : l’enseignement professionnel.

Il faut redonner du sens à la formation de nos élèves  et les reconnaître. Cela nécessite de leur donner les moyens d’être des acteurs de leur formation et d’arrêter de les infantiliser, voir de les ghettoïser !

Les objectifs doivent être partagés entre les différents acteurs. Les agents doivent être formés à toutes les pédagogies innovantes.

Il est indispensable de recréer grâce à la pédagogie de l’alternance une envie partagée par tous nos élèves apprenants.

Alors que plus de 80 % des élèves de la voie professionnelle obtiennent leur diplôme, force est de constater que le décrochage scolaire, l’insertion professionnelle et le taux de réussite en BTS restent préoccupants. Lors de l’audience sur la voie professionnelle, la CFDT aurait aimé avoir le temps d’évoquer :

  • la vocation du lycée professionnel,
  • sa place par rapport aux deux autres voies (générale et technologique) du lycée,
  • l’écart qui existe aujourd’hui entre un diplôme professionnalisant et la qualification professionnelle réellement atteinte par les élèves,
  • la vision étroite qui s’inscrit dans une logique adéquationniste entre la formation initiale et les besoins en emplois.

La voie professionnelle doit pouvoir revendiquer son originalité. C’est une modalité globale de formation en alternance entre la pratique et la théorie, le lycée et l’entreprise, le scolaire et l’apprentissage.

Le Lycée Professionnel n’est pas une voie de « garage ». Mais c’est la voie qui sait s’adapter aux besoins de ses jeunes dans un objectif  de parcours Bac-3/Bac+3.