Absences, remplacement, mal être au travail: le rapport au Sénat et l’enquête Talis OCDE

Olivier Paccaud a présenté au Sénat le 11 juin 2025 un rapport d'information sur la problématique "prégnante pour les familles" du remplacement des enseignants. En parallèle, l'enquête Talis, menée par l'OCDE, vient de paraître et pointe une baisse de leur satisfaction professionnelle.

LE RAPPORT AU SENAT

Olivier Paccaud, rapporteur spécial des crédits de l’enseignement scolaire, au delà des constats, émet un certain nombre de préconnisations. Voici quelques morceaux choisis… Ce rapport pointe une situation alarmante des enseignants qui, au travers des chiffres, craquent de plus en plus. Cet indicateur, les absences, pointe un mal être global et les difficultés de la profession.

  • LES ABSENCES

La hausse des absences pour raisons de santé correspond à une évolution globalede la société. Ainsi, le nombre d’absences pour raison de santé a augmenté de 39 % dans le public et de 25 % dans le privé depuis 2018.
Le taux moyen d’absence des enseignants reste moins élevé de 13 % que celui des salariés du secteur privé et les enseignants sont globalement moins absents que dans les autres fonctions publiques.
Cette statistique est d’autant plus frappante que les enseignants sont très exposés aux maladies, en particulier les enseignants du premier degré.
De plus, les enseignants sont globalement moins longtemps absents pour raisons de santé que leurs collègues.

Cette dynamique témoigne très probablement de la dégradation des conditions de travail des enseignants et d’un sentiment croissant de déclassement du travail. Le baromètre du bien-être au travail de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale témoigne d’une satisfaction au travail inférieure de près de 2 points chez les enseignants par rapport au reste de la population française.

 
Dans le premier degré en particulier, la problématique des élèves hautement perturbateurs est extrêmement prégnante.
Ces élèves se révèlent très difficiles à gérer dans une classe pour un enseignant, qui ne dispose ni des outils ni de l’accompagnement adéquats pour gérer la situation
 
Préconisation : la diminution des absences des enseignants, très coûteuses pour le ministère de l’éducation nationale, implique d’améliorer significativement leurs conditions de travail et de revaloriser leurs missions, à la fois financièrement et même socialement. Lutter contre « l’absentéisme » des enseignants passe par une prise en compte des difficultés réelles et croissantes rencontrées par ces personnels dans l’exercice de leurs missions.

– Focus : Les autorisations d’absence
Facultatives ou de droit, elles représentent une part importante des absences des enseignants du premier degré.
ll est à noter toutefois qu’un grand nombre de ces absences ne sont pas de droit mais sont facultatives… Notamment les autorisations pour garde d’enfants malades. 
 
Préconisation : limiter les autorisations d’absence facultatives en cas de tensions sur les effectifs de remplacement.

– Focus : l’essor du temps partiel thérapeutique
Près de 10 % des absences de longue durée des enseignants dans le second degré y sont liées, contre seulement 3,4 % des absences en 2018-2019.
 
Préconisation : un alignement des règles de rémunération des temps partiels thérapeutiques avec celles s’appliquant aux congés de maladie ordinaire (90% du salaire).

  •   LE REMPLACEMENT

Le nombre d’absences non remplacées a augmenté de 49 % dans le premier degré et de 93,2 % dans le second degré entre 2018 et 2024 pour un taux actuel d’absences non remplacées de 21,7 % dans le premier degré et de 5,2 % dans le second degré.  

 Focus : les absences de courte durée dans le second degré 

Le taux d’efficacité du remplacement ne s’élève qu’à 10,6 % en juin 2024.
 
Préconisation : Pour renforcer les possibilités de remplacement de courte durée, dans un contexte budgétaire contraint, il pourrait être envisagé d’augmenter le service obligatoire des enseignants d’une heure supplémentaire par mois, qui serait dédiée au remplacement de courte durée.
 
Le potentiel net de remplacement (soit la part d’enseignants titulaires ou contractuels de longue durée véritablement mobilisables pour des missions de remplacement), est stabledans le premier et le second degré depuis 2018. Elle représente environ 10,9 % des enseignants du premier degré et 2,5 % des enseignants du second degré. Les contractuels représentent une part importante et croissante du vivier d’enseignants remplaçants. Ainsi, ils comptent pour 17 % des enseignants remplaçants dans le premier degré et 46 % dans le second degré en 2023-2024.
En conséquence, le vivier d’enseignants disponibles pour le remplacement s’est asséché, alors que le besoin de remplacement a augmenté ces dernières années en raison de la hausse du taux d’absence. 
 

Préconisation : Des effectifs supplémentaires d’enseignants remplaçants titulaires sont donc nécessaires pour sécuriser et améliorer l’efficacité du remplacement dans le premier et le second degré.

  •   Et les remplaçants…

La satisfaction moyenne au travail des enseignants remplaçants est de 5,4 sur 10 dans le premier degré et de 5,3 dans le second degré, contre 6,1 pour l’ensemble des enseignants.
Augmenter l’attractivité de la mission de remplacement. Par exemple, les enseignants remplaçants sont 22 % à ne pas avoir le sentiment d’être respecté par les élèves, contre 7 % des enseignants du premier degré.

La difficulté liée aux conditions de travail est visible dans la fréquence plus élevée des absences des enseignants remplaçants pour raisons de santé. Ainsi, en 2022-2023, 57 % des enseignants remplaçants avaient eu au moins un congé de maladie ordinaire ou un congé long dans l’année, alors que c’était le cas de seulement 45,4 % des enseignants non affectés en zone de remplacement. De plus, la durée cumulée moyenne des congés de maladie des enseignants remplaçants est de 13,3 jours par enseignant, contre 8 jours par enseignant non remplaçant en moyenne. En particulier, dans le premier degré, 68,1 % des enseignants remplaçants ont eu au moins un jour de congé pour maladie, contre 56,8 % des enseignants affectés à un établissement.
 
Préconisations 
– Une revalorisation de la fonction d’enseignant remplaçant pourrait de plus permettre de recruter davantage d’enseignants expérimentés et volontaires pour les missions spécifiques de remplacement.
Il pourrait être opportun d‘attribuer aux enseignants concernés un « bonus » dans le barème utilisé par les académies lors du traitement des demandes de mutation (« mouvement »). Une telle mesure, sans coût budgétaire, constituerait une reconnaissance des difficultés associées à la mission de remplacement et pourrait permettre de renforcer son attractivité.

– Il est regrettable qu’aucun dispositif ne soit dédié aux enseignants du premier degré, alors qu‘ils acceptent régulièrement d’accueillir des élèves supplémentaires dans leur classe pour pallier l’absence d’un collègue, dans l’attente de l’affectation d’un remplaçant. Il s’agit d’une mission coûteuse en termes d’effort, qu’il pourrait être juste de rémunérer via le Pacte enseignant.

L’ENQUETE TALIS : une nouvelle confirmation du malaise enseignant

L’enquête Talis, menée par l’OCDE tous les 5 ans est la plus grande enquête internationale sur les enseignants dans le monde (un échantillon de 280 000 enseignants dans 55 pays dont 3 766 enseignants de collège et 2 246 professeurs d’école élémentaire français).

 

Satisfaction au travail :

79 % des enseignants interrogés se disent satisfaits de leur travail, une proportion en baisse par rapport à 2018 et la moins élevée de tous les pays participant à l’enquête, à l’exception du Japon.

 

Motifs d’insatisfaction :

– Salaires

Les professeurs français, en particulier dans le 1er degré, se distinguent par l’insatisfaction quant à leur niveau de salaire, principalement en milieu de carrière (salaires bien inférieurs à la moyenne de l’OCDE).

 

– Reconnaissance

Au collège, les enseignants français sont ceux qui se sentent les moins valorisés par les élèves (55 %) et les parents (45 %).

Seulement 4 % des professeurs considèrent que leur profession est valorisée dans la société, un résultat en baisse depuis 2018 et qui place la France au bas de l’échelle de l’OCDE.

La part de ceux qui jugent leur opinion valorisée par les décideurs politiques est tout aussi marginale, alors même qu’elle augmente dans plusieurs autres pays.

 

– La complexification du métier

Elle est liée en particulier à l’hétérogénéité croissante des élèves, particulièrement en France.

La part des professeurs dont au moins 10 % des élèves ont des besoins éducatifs particuliers a bondi de 32 % en 2018 à 74 % en 2024, alors que la moyenne de l’OCDE est de 46 %.

Les enseignants français sont également parmi ceux qui font le plus face à des élèves perturbateurs, ou en difficulté scolaire.

 

La nécessaire adaptation des cours aux besoins particuliers des élèves est la principale sources de stress pour 49 % d’entre eux, contre 37 % dans l’OCDE.

Le premier facteur de stress tient au suivi de l’évolution des exigences institutionnelles (62 % contre 39 %).

 

– La formation

La moitié des jeunes enseignants français estime que leur formation initiale était de grande qualité, la part la plus faible de l’OCDE (moyenne de 75 %). Le degré de satisfaction a baissé depuis 2018.
La formation continue est jugée inadaptée : ils sont les moins nombreux (35 %, contre 55 % dans l’OCDE) à déclarer que les formations auxquelles ils ont participé ont eu un impact positif sur leur enseignement.

 

L’enquête Talis résonne comme une alerte quant à la dégradation des conditions d’exercice qui, si elle est commune à tous les enseignants de l’OCDE, est particulièrement marquée en France. Le niveau de satisfaction quant aux conditions d’emploi y a chuté de plus de 20 points en cinq ans, le plus fort recul de tous les pays de l’enquête. 

 

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